lundi 21 avril 2014

La pratique avant tout

Je voudrais présenter le 1er paragraphe d’un livre publié en 1973 par « The Institute for Zen Studies » à Kyoto, créé par le Maître Yamada Mumon :

Dialogue entre Maître Nyuri et son disciple Enmonn[1]

1.         La  Voie est profonde et vide, sublime et éternelle, au delà de toute  compréhension, au delà de toute formulation verbale. Ici sont provisoirement mis en scène deux personnages qui tous les deux s'entretiennent de la véritable nature de la  réalité : un maître nommé Nyuri et un disciple appelé Enmonn.  Présentement,  Maître Nyuri est calme et silencieux. Soudain Enmonn bondit sur ses pieds et demande à Maître Nyuri :
-       Qu’appelle-t-on  "esprit" ? Comment le "pacifier" ?
Le Maître répond :
            - Vous n'avez nul besoin de  supposer l'existence d'un esprit, ni  de  particulièrement vous efforcer de le pacifier. On peut dire que c'est cela « pacifier l'esprit ».
2.         Question : -  Si il n'y a pas d'esprit comment pouvons-nous  étudier la Voie
            Réponse : - La Voie n'est pas une chose  à laquelle l'esprit puisse penser, comment concernerait-elle l'esprit?
 3.       Question : - Si l’esprit ne peut y penser, comment pourrons nous jamais y accéder ?
            Réponse : - Avoir des pensées, c‘est avoir un esprit. Avoir un esprit contredit la Voie. Ne pas avoir de pensée  c'est ne pas avoir d'esprit. Ne pas penser est la vraie Voie.
4.         Question : - Tous les êtres vivants ont-ils un esprit ou non ?
            Réponse : - Croire que tous les êtres vivants ont un esprit, c'est une perversion.
C’est seulement parce qu'on édifie un « esprit » dans le « non esprit » que des pensées illusoires prennent  place.
5.         Question : - Quels sont les attributs du « non esprit » ?
            Réponse : - Le « non esprit » c'est le sur le champ le  « non objet ». Le « non objet » c'est la nature  elle-même. La nature elle-même  est la Voie.
6.         Question : - Comment les pensées illusoires des êtres vivants peuvent-elles être détruites ? 
            Réponse : - Tant que l’on considère les pensées illusoires et que l’on envisage de les détruire, on ne s’en débarrassera jamais.
7.         Question : - Sans leur destruction ou élimination, comment  est-il possible de se mettre en  accord avec la Voie ?
            Réponse : - Aussi longtemps que l’on parle de se mettre en accord ou pas en accord avec la Voie on ne peut pas davantage se libérer des pensées illusoires. 
8.         Question : - Alors, que dois-je faire ?
            Réponse : - Ne rien faire. Voilà tout !

Lorsqu’à la fin le Maître Nyuri dit : - Ne rien faire. Voilà tout ! Il ne dit pas qu’il faut se tourner les pouces. Il explique tranquillement à son disciple tenaillé que : « aussi longtemps que l’on parle de se mettre en accord ou pas en accord avec la Voie on ne peut pas davantage se libérer des pensées illusoires ». Les questions que posent les élèves du Zen sont toujours des tentatives pour arriver à l’éveil avec sa tête. En ce qui me concerne, la théorie du Zen ne m’a jamais été utile dans ma quête. « La pratique avant tout » a toujours été et sera toujours ma seule théorie. De plus, même si j’enseignais la théorie du Zen tout le monde n’écouterait pas, perdu qu’il est dans ses pensées fusantes. Et en admettant qu’on m’écoute, beaucoup ne me comprendraient pas, ou comprendraient ce qui les arrangent, ou distordraient mes propos. Mon enseignement à moi c’est de m’asseoir avec mes élèves et qu’ensemble on approfondisse son zazen, on l’élargisse et qu’on rentre dans les abîmes de soi-même. Les mots ne vont pas vous faire faire l'expérience de vous-mêmes. Ne vous leurrez pas !



[1] Ce paragraphe est le premier de la traduction anglaise « Dialogue on the contemplation-extinguished » publié par The Institute for Zen Studies en 1973 et traduit pas Gishin Tokiwa. Je remercie Daniel L. et André M. d’avoir traduit ce paragraphe en français.
© Taïkan Jyoji 2011